Maria Valtorta | Tome 1 – Chapitre 13 : « Marie présentée au Temple. »

Je vois Marie entre son père et sa mère et qui chemine par les rues de Jérusalem. Les passants s’arrêtent pour regarder la belle Enfant toute vêtue d’un blanc de neige et enveloppée dans un très léger tissu. Avec ses dessins de feuillage et de fleurs, plus épais, sur le fond léger du tissu, il me semble que c’est le même qu’avait Anne le jour de sa Purification.

 

Seulement tandis que pour Anne, il ne dépassait pas la ceinture pour Marie, il descend presque jusqu’à terre et l’entoure d’un voile blanc léger et lumineux d’un rare charme. Le blond des cheveux épars sur les épaules et mieux sur la nuque délicate transparaît là où il n’y a pas de damassure sur le voile, mais seulement le fond très léger. Le voile est maintenu sur le front par un ruban de couleur d’azur très pâle sur lequel, certainement la maman, a brodé de petits lys d’argent. Le vêtement, comme déjà dit, très blanc, descend jusqu’à terre et quand elle marche c’est tout juste si l’on aperçoit ses petits pieds dans les sandalettes blanches. Les petites mains semblent deux pétales de magnolia qui sortent des longues manches. Hors le cercle d’azur du ruban, il n’y a pas d’autre couleur. Tout est blanc. Marie semble vêtue de neige. Joachim et Anne sont vêtus, lui du même habit qu’à la Purification et Anne d’un violet très sombre. Même le manteau, qui lui couvre la tête, est d’un violet foncé. Elle le tient très baissé sur les yeux. Deux pauvres yeux de maman, rouges pour avoir trop pleuré, qui ne voudraient pas pleurer, et ne voudraient surtout pas être vus en larmes, mais qui ne peuvent s’empêcher de pleurer sous le couvert du manteau. Cette précaution vaut pour les passants et même pour Joachim dont du reste œil habituellement serein est aujourd’hui mouillé et obscurci par les larmes déjà versées ou qui coulent encore. Il chemine très courbé sous un voile disposé comme un turban dont les ailes latérales descendent le long du visage. Il fait très vieux, en ce moment Joachim. À le voir on le prendrait pour le grand-père ou même le bisaïeul de la toute petite qu’il tient par la main. Le chagrin de la perdre donne au pauvre père une démarche traînante, une lassitude de tout son maintien qui le vieillit de vingt ans. Son visage semble, non seulement vieilli, mais celui d’un malade tant il est accablé et triste. La bouche tremble légèrement, entre deux replis de la peau, très marqués aujourd’hui de chaque côté du nez. Ils essayent tous les deux de cacher leurs larmes, mais, s’ils y réussissent pour beaucoup de gens, c’est impossible pour Marie. À cause de sa petite taille, elle regarde de bas en haut et son regard se porte alternativement sur son père et sa mère. Eux essaient de sourire de leur bouche tremblante et augmentent l’étreinte de leur main sur la petite main de Marie, chaque fois que leur enfant les regarde en souriant. Ils doivent penser :

« Voilà une autre fois de moins à voir ce sourire. »

Ils marchent lentement, doucement ; ils semblent vouloir allonger le plus possible la route. Tout leur est prétexte pour un arrêt… Mais le parcours doit finalement finir ! Il est sur le point de se terminer. Voilà à ce dernier bout de chemin montant, le mur d’enceinte du Temple. Anne fait entendre un gémissement et serre plus fort la petite main de Marie.

« Anne, aimée, je suis avec toi ! »

dit une voix qui sort de l’ombre d’une arcade basse à un croisement de route.

Et Élisabeth qui certainement l’attendait, la rejoint et la serre au cœur et, comme Anne pleure, elle lui dit :

« Viens, viens un peu dans cette maison amie, puis nous irons ensemble. Zacharie est là. »

Ils entrent tous dans une pièce basse et obscure où brille un grand feu. La maîtresse, une amie certainement d’Élisabeth mais inconnue de Anne, se retire par politesse pour laisser libre le petit groupe.

« Ne crois pas que je me sois repentie, ou que je donne à regret mon trésor au Seigneur »

explique Anne à travers ses larmes…

« mais c’est le cœur… Oh ! mon cœur, quelle souffrance il éprouve, mon vieux cœur qui va retourner à sa solitude de mère sans enfants… Si tu le sentais… »

 

« Je le comprends, mon Anne… mais tu es bonne et Dieu te réconfortera dans ta solitude. Marie priera pour que Dieu donne la paix à sa mère, n’est-ce pas ? »

Marie caresse les mains maternelles et les baise, elle se les passe sur le visage pour en être caressée et Anne serre entre ses deux mains ce petit visage et le baise, le baise. Elle ne lui a pas encore donné assez de baisers. Zacharie entre et salue :

« Aux justes, la paix du Seigneur. »

 

« Oui »

 

dit Joachim,

 

« demande pour nous la paix car notre cœur tremble de l’offrir. C’est comme l’offrande d’Abraham quand il gravissait la montagne, et nous ne trouverons pas une autre offrande pour racheter celle-là. Nous ne le voudrions pas parce que nous sommes fidèles à Dieu. Mais, nous souffrons, Zacharie. Prêtre de Dieu, comprends-nous et ne te scandalise pas. »

 

« Jamais; au contraire votre douleur, qui sait ne pas dépasser les bornes de ce qui est permis et vous porter à l’infidélité, m’enseigne à aimer le Très-Haut. Mais ayez confiance. La prophétesse Anne aura grand soin de cette fleur de David et d’Aaron. En ce moment, c’est l’unique lys de sa descendance sainte que David ait au Temple. On en prendra soin comme d’une perle de roi. Bien que le temps vient à son terme et les mères de la descendance de David devraient avoir souci de consacrer leurs filles au Temple, puisque c’est d’une vierge de la race de David que sortira le Messie, à cause de la diminution de la foi, les places réservées aux vierges sont vides. Il y en a trop peu au Temple, et de race royale aucune depuis qu’en est sortie, il y a maintenant trois ans, Sara d’Élisée qui s’est mariée. Il est vrai qu’il manque encore six lustres pour arriver à l’époque, mais… Eh bien, espérons que Marie sera la première de plusieurs vierges davidiennes devant le Voile Sacré. Et puis… qui sait ? …»

Zacharie n’ajoute rien d’autre, mais pensif il regarde Marie. Puis il reprend :

« Moi aussi je veillerai sur elle. Je suis prêtre et j’ai mes entrées. J’en profiterai pour cet ange. Et Élisabeth viendra souvent la voir… »

 

« Oh ! pour sûr ! J’ai grand besoin de Dieu et je viendrai le dire à cette Enfant pour qu’elle le dise à l’Éternel. »

Anne a repris son courage ; Élisabeth, pour la remonter encore plus, lui demande :

« N’est-ce pas ton voile d’épouse ? Ou bien as-tu filé du nouveau byssus ? »

 

« C’est mon voile, je le consacre avec elle au Seigneur. Je n’y vois plus clair… et puis les ressources ont bien diminué à cause des impôts et des revers de fortune… Je ne pouvais faire de lourdes dépenses. J’ai seulement préparé un riche trousseau pour son séjour à la Maison de Dieu et pour après… parce que je pense que ce ne sera pas moi qui l’habillerai pour ses noces… et je veux que ce soit toujours la main de sa maman, même froide et inerte, qui la pare pour son mariage et lui file les linges et les vêtements d’épouse. »

 

« Oh ! pourquoi ces tristes pensées ?! »

 

« Je suis vieille, cousine. Jamais, comme sous le poids de cette douleur, je ne l’avais ressenti. Les dernières forces de ma vie, je les ai données à cette fleur, pour la porter et la nourrir, et maintenant… maintenant… la douleur de la perdre souffle sur ces dernières forces et les dissipe. »

 

« Il ne faut pas parler comme ça, à côté de Joachim. »

 

« Tu as raison. Je penserai à vivre pour mon homme. »

Joachim a fait semblant de ne rien entendre, attentif envers Zacharie, mais il a entendu et pousse un profond soupir, les yeux mouillés de larmes.

« Nous sommes exactement entre la troisième et la sixième heure, je crois que ce serait le moment d’aller »

dit Zacharie. Ils se lèvent pour remettre les manteaux et partir. Mais, avant de sortir, Marie s’agenouille sur le seuil, bras ouverts : un petit chérubin qui implore :

« Père ! Mère ! Votre bénédiction ! »

 Elle ne pleure pas, la courageuse petite, mais ses petites lèvres tremblent et la voix, brisée par un sanglot retenu, a plus que jamais le gémissement tremblant de la tourterelle. Le visage est plus pâle et œil a un regard d’angoisse résignée. Plus fort, jusqu’à devenir insoutenable, sans en souffrir profondément, je le verrai au Calvaire et au Sépulcre. Les parents la bénissent et la baisent, une, deux, dix fois. Ils ne peuvent s’en rassasier… Élisabeth pleure silencieusement et Zacharie bien qu’il ne veuille pas le montrer est profondément remué. Ils sortent, Marie entre son père et sa mère comme auparavant. Par devant, Zacharie et sa femme. Les voilà à l’intérieur des murs du Temple.

« Je vais chez le Souverain Prêtre. Vous, montez jusqu’à la grande terrasse. »

Ils traversent trois cours et trois porches superposés. Les voilà au pied d’un vaste cube de marbre couronné d’or. Chaque coupole convexe qui ressemble à une moitié d’une énorme orange resplendit au soleil qui, maintenant, sur le midi, tombe à pic sur une vaste cour entourant un bâtiment majestueux, et remplit le vaste palier et l’escalier monumental qui conduit au Temple. Seul le portique qui fait face au perron le long de la façade est à l’ombre et la gigantesque porte de bronze et d’or est encore plus sombre et solennelle contrastant avec tant de lumière. Marie paraît encore plus comme neige sous ce grand soleil. La voilà au pied de l’escalier. Entre son père et sa mère. Comme le cœur doit leur battre à tous les trois ! Elisabeth est à côté d’Anne, mais un peu en retrait d’un demi pas. Un son de trombe argentin et la porte tourne sur ses gonds. On dirait le son d’avertissement d’une cithare pendant que la porte tourne sur les sphères de bronze.

 

L’intérieur du Temple apparaît avec ses lampes au fond et un cortège s’avance vers la porte, venant de l’intérieur. Un cortège majestueux avec sonnerie de trompettes d’argent, nuages d’encens et lumières. Le voilà au seuil. En avant, celui qui devait être le Souverain Prêtre. Un vieillard solennel, vêtu de lin très fin et par-dessus ce premier vêtement une tunique plus courte, de lin aussi, et pardessus encore une sorte de chasuble, quelque chose d’intermédiaire entre la chasuble et l’habit des diacres, multicolore : pourpre et or, violet et blanc s’y alternent et brillent comme des gemmes au soleil ; deux gemmes authentiques, par-dessus tout cela brillent encore plus vivement à la hauteur des épaules. Ce sont peut-être des boucles avec leurs chatons précieux. Sur la poitrine, une large plaque toute étincelante de gemmes soutenue par une chaîne d’or. Des pendentifs et autres ornements brillent en bas de la tunique courte et l’or éclate sur le front à la partie supérieure d’une coiffure qui me rappelle celle des prêtres orthodoxes, leur mitre arrondie au lieu d’être pointue comme celle des catholiques. Le solennel personnage avance seul, en avant jusqu’au commencement du perron, dans la lumière dorée du soleil qui le rend encore plus splendide. Les autres attendent, rangés en cercle en dehors de la porte, sous le portique ombragé. À gauche, il y a un groupe de jeunes filles en vêtements blancs avec la prophétesse Anne et d’autres femmes âgées, certainement des maîtresses. Le Souverain Prêtre a regardé la Petite et sourit. Elle devait lui paraître bien petite au pied de ce perron digne d’un temple égyptien ! Il lève, en priant, les bras au ciel. Tous baissent la tête comme anéantis devant la majesté sacerdotale en communion avec la Majesté Éternelle. Puis, voilà. Un signe à Marie.

Et elle se sépare de son père et de sa mère et elle monte, comme fascinée elle gravit les marches. Elle sourit. Elle sourit à l’ombre du Temple là où descend le Voile précieux… Elle est au haut du perron aux pieds du Souverain Prêtre qui lui pose les mains sur la tête. La victime est agréée. Quelle hostie plus pure avait jamais vu le Temple ? Puis, il se retourne et lui mettant la main sur l’épaule comme pour la conduire à l’autel, elle, l’Agnelle sans tache, il la mène vers la porte du Temple. Avant de la faire entrer, il lui demande :

« Marie de David, est-ce ton vœu ? ».

Un “oui” argentin lui répond, il s’écrie :

« Entre, alors, marche en ma présence et sois parfaite. »

Et Marie entre, et l’ombre l’engloutit, puis le groupe des vierges et des maîtresses, suivi de celui des lévites, la dérobe toujours plus, la sépare… Elle n’y est plus… Maintenant, avec un son harmonieux, la porte roule sur ses gonds. Une ouverture, de plus en plus étroite laisse voir le cortège qui se dirige vers le Saint. Maintenant, ce n’est plus qu’une fente, puis plus rien, c’est la clôture.

Au dernier accord des gonds sonores répond un sanglot des deux vieillards et un cri unique :

« Marie ! Fille ! »

et puis deux gémissements qui s’entrecroisent :

« Anne ! »,

 

« Joachim ! »

et ils concluent :

« Rendons gloire au Seigneur qui la reçoit dans sa Maison et la conduit sur sa route. »

Et tout finit ainsi.



Ces enregistrements audio sont des lectures de la traduction de Felix Sauvage, qui a été éditée de 1979 à 2016.

Felix Sauvage, enseignant retraité à Pont-Audemer, a traduit « Il poema dell’Uomo-Dio » d’italien en français de 1971 à 1976, et a trouvé le titre – qui a depuis été repris pour toutes les autres traductions de l’Oeuvre de Maria Valtorta – « L’Evangile tel qu’il m’a été révélé ». Le 27 décembre 1976, les éditeurs de Maria Valtorta – Claudia et Emilio Pisani – vinrent à l’hospice « Albatros » de Pont-Audemer, où Felix Sauvage leur remit les manuscrits de son travail bénévole. Il meurt le 16 septembre 1978 à l’âge de 87 ans, avant le début de la parution de sa traduction en décembre 1979.

Depuis mars 2017, c’est désormais la nouvelle traduction d’Yves d’Horrer qui est éditée, et qui remplace celle de Felix Sauvage.

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