7. La double mission des martyrs revenus ร la grรขce originelle | La force des martyrs (2/3)
โน ๐ Les Cahiers de 1943 : Maria Valtorta | Le 05 mars 1944
Jรฉsus dit :
ยซ Vous, chrรฉtiens du vingtiรจme siรจcle, vous prenez les histoires de mes martyrs pour des fables et vous vous dites:
โCela ne peut รชtre vrai ! Comment cela pourrait-il lโรชtre ? Aprรจs tout, ils nโรฉtaient eux aussi que des hommes et des femmes ! Cโest de la lรฉgende !โ
Eh bien, sachez que ce nโen est pas une. Cโest de lโhistoire. Si vous croyez aux vertus civiques des Athรฉniens, des Spartes ou des Romains de lโAntiquitรฉ, si les hรฉroรฏsmes et les grandeurs des hรฉros civils enthousiasment votre esprit, pourquoi ne voulez-vous pas croire ร ces vertus surnaturelles ? Pourquoi ne sentez-vous pas votre esprit sโexalter au rรฉcit des grandeurs et des hรฉroรฏsmes de mes hรฉros et vous inciter ร les imiter de faรงon รฉlevรฉe ?
Aprรจs tout, dites-vous, ce nโรฉtaient que des hommes et des femmes. Bien sรปr ! Cโรฉtaient des hommes et des femmes. Vous dites lร une grande vรฉritรฉ et vous vous condamnez sรฉvรจrement.
Cโรฉtaient des hommes et des femmes, or vous รชtes des bรชtes. De votre ressemblance avec Dieu, de votre filiation de Dieu, vous vous รชtes rabaissรฉs au niveau des animaux uniquement guidรฉs par leur instinct et apparentรฉs ร Satan.
Cโรฉtaient des hommes et des femmes. Ils รฉtaient redevenus โhommes et femmesโ au moyen de la grรขce, comme lโรฉtaient le premier homme et la premiรจre femme au paradis terrestre.
Ne lit-on pas, dans la Genรจse, que Dieu fit lโHomme dominateur sur tout ce qui รฉtait sur la terre, cโest-ร -dire sur tout sauf sur Dieu et ses ministres angรฉliques ?
Ne lit-on pas quโil fit la Femme pour quโelle soit la compagne de lโHomme dans la joie et la domination sur tous les รชtres vivants ?
Ne lit-on pas quโils pouvaient manger de tout exceptรฉ de lโarbre de la connaissance du Bien et du Mal ?
Pourquoi ? Quโest-ce que sous-entendent les mots ยซ afin quโil domine ยป, quel est le sens cachรฉ de lโarbre de la connaissance du bien et du mal ? Vous lโรชtes-vous jamais demandรฉ, vous qui vous posez des questions sur tant de choses inutiles et nโรชtes jamais capables dโinterroger votre รขme sur les vรฉritรฉs cรฉlestes ?
Votre รขme vous le dirait, si elle รฉtait vivante, elle qui, quand elle est en grรขce, est tenue comme une fleur entre les mains de votre ange gardien, et est semblable ร une fleur baisรฉe par le soleil et baignรฉe par la rosรฉe de lโEsprit Saint qui la rรฉchauffe et lโillumine, lโirrigue et lโorne de lumiรจres cรฉlestes.
Que de vรฉritรฉs votre รขme vous dirait si vous saviez converser avec elle, Si vous lโaimiez en voyant en elle celle qui vous fait ressembler ร Dieu, qui est Esprit comme votre รขme est esprit !
Quelle grande amie vous auriez si vous aimiez votre รขme au lieu de la dรฉtester jusquโร la tuer !
Quelle grande et sublime amie vous auriez avec qui parler des choses du Ciel, vous qui รชtes si avides de parler et vous dรฉtruisez mutuellement par des amitiรฉs qui, si elles ne sont pas indignes (elles le sont parfois) sont toutefois presque toujours inutiles et tournent en un brouhaha vain ou nocif de mots, des mots qui, tous, sont terrestres.
Ne vous ai-je pas dit :
โSi quelquโun mโaime, il gardera ma parole, et mon Pรจre lโaimera et nous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure chez lui ? โ ย
Lโรขme en grรขce possรจde lโamour et, possรฉdant lโamour, elle possรจde Dieu, cโest-ร -dire le Pรจre qui la garde, le Fils qui lโenseigne et lโEsprit qui lโรฉclaire. Elle possรจde par consรฉquent la Connaissance, la Science et la Sagesse. Elle possรจde la Lumiรจre.
Pensez donc aux conversations sublimes que votre รขme pourrait entretenir avec vous ! Ce sont celles qui ont empli les silences des prisons, des cellules, des ermitages, des chambres des malades saints. Ce sont celles qui ont rรฉconfortรฉ les prisonniers en attente du martyre, les cloรฎtrรฉs ร la recherche de la Vรฉritรฉ, les ermites assoiffรฉs de connaรฎtre Dieu par anticipation ; ce sont encore celles qui ont encouragรฉ les malades ร la patience โ mais que dis-je ? โ ร lโamour de leur croix.
Si vous saviez interroger votre รขme, elle vous dirait que la signification vรฉritable, exacte, aussi vaste que la crรฉation, du mot ยซ domine ยป est la suivante:
โAfin que lโhomme domine sur tout. Sur les trois niveaux qui sont en lui :
le niveau infรฉrieur, animal.
Le niveau du milieu, moral.
Et le niveau supรฉrieur, spirituel.
Et afin de les orienter tous trois vers un seul but : โPossรฉder Dieuโ.โ Le possรฉder en le mรฉritant par cette domination de fer qui assujettit toutes les forces de son รชtre pour les faire servir ร cette seule fin : mรฉriter de possรฉder Dieu.
Elle vous dirait que Dieu avait interdit la connaissance du Bien et du Mal parce quโil avait dรฉjร prodiguรฉ le Bien ร ses crรฉatures ; quant au Mal, il ne voulait pas quโils le connaissent, car cโest un fruit doux au palais mais, une fois passรฉ dans le sang avec son jus, il suscite une fiรจvre qui tue et produit une soif ardente, de telle sorte que, plus lโon boit ce jus trompeur, plus lโon a soif.
Vous objecterez :
โAlors, pourquoi lโa-t-il mis lร ?โ
Parce que ! Parce que le Mal est une force qui est nรฉe toute seule comme certaines maladies monstrueuses dans le corps le plus sain.
Lucifer รฉtait un ange, le plus beau des anges. Cโรฉtait un esprit parfait qui nโรฉtait infรฉrieur quโร Dieu. Cโest pourtant dans son รชtre lumineux que naquit une vapeur dโorgueil quโil ne dissipa pas. Au contraire, il la condensa en la couvant. Cโest de cette incubation quโest nรฉ le Mal. Il existait avant que lโhomme ne fรปt. Dieu avait prรฉcipitรฉ hors du paradis cet Incubateur maudit du Mal, ce contaminateur du paradis. Mais il est demeurรฉ lโรฉternel Incubateur du Mal et, comme il ne pouvait plus contaminer le paradis, il a contaminรฉ la terre.
Le fruit mรฉtaphorique [de lโarbre de la Genรจse] tend ร dรฉmontrer cette Vรฉritรฉ. Dieu avait dit ร lโHomme et ร la Femme :
โConnaissez toutes les lois et tous les mystรจres de la crรฉation. Mais nโessayez pas de mโusurper le droit dโรชtre le Crรฉateur de lโhomme. Mon amour qui circulera en vous, suffira ร propager la race humaine, sans convoitise des sens, mais par simple frรฉmissement de charitรฉ il suscitera les nouveaux Adam de la lignรฉe. Je vous donne tout. Je me rรฉserve uniquement ce mystรจre de la formation de lโhomme.โ
Satan a voulu enlever ร lโhomme cette virginitรฉ intellectuelle et, par sa langue de serpent, il a flattรฉ, caressรฉ les passions des membres et des yeux dโEve en y suscitant des rรฉflexes et des sensations intenses quโils nโavaient pas avant, car la Malice ne les avait pas encore intoxiquรฉs.
Elle โvitโ. ร cette vue, elle voulut faire lโexpรฉrience. La chair รฉtait รฉveillรฉe.
Oh ! Si elle avait appelรฉ Dieu ! Si elle avait couru lui dire :
โPรจre ! Je suis malade. Le serpent mโa sรฉduite et le trouble est en moi.โ
Le Pรจre lโaurait purifiรฉe et guรฉrie de son souffle ; comme celui-ci lui avait infusรฉ la vie, il pouvait de nouveau lui infuser lโinnocence en lui faisant perdre le souvenir du serpent venimeux et en mettant mรชme en elle de la rรฉpugnance pour le Serpent, ร lโinstar de ce qui se produit chez ceux quโune maladie assaille et qui, une fois guรฉris, en gardent une rรฉpugnance instinctive.
Mais Eve ne va pas vers le Pรจre. Eve revient vers le Serpent.
Cette sensation lui est douce. โLa femme vit que lโarbre รฉtait bon ร manger et sรฉduisant ร voir. Elle prit de son fruit et mangeaโ.
Alors โelle compritโ. Dรฉsormais, la malice รฉtait descendue lui mordre les entrailles. Elle vit avec un regard neuf et entendit avec des oreilles nouvelles les usages et les voix des mauvais. Et elle les convoita avec une aviditรฉ folle. Cโest toute seule quโelle a commencรฉ le pรฉchรฉ. Elle le porta ร son terme avec son compagnon. Voilร pourquoi il pรจse une plus lourde condamnation sur la femme.
Cโest par son intermรฉdiaire que lโhomme est devenu rebelle ร Dieu et quโil a connu la luxure et la mort.
Cโest ร cause dโelle quโil nโa plus su dominer ses trois royaumes :
de lโesprit, puisquโil a permis que ce dernier dรฉsobรฉisse ร Dieu ;
de la morale, puisquโil a permis ร ses passions de lโasservir,
de la chair, puisquโil lโa rabaissรฉe au niveau des lois instinctives des mauvais.
โLe Serpent mโa sรฉduiteโ, dit รve.
โCโest la femme qui mโa donnรฉ du fruit de lโarbre, et jโen ai mangรฉโ, dit Adam.
Depuis lors, la triple cupiditรฉ sโest emparรฉe des trois royaumes de lโhomme.
Seule la grรขce parvient ร relรขcher lโรฉtreinte de ce monstre impitoyable.
Si elle est vivante, gardรฉe toujours plus vivante par la volontรฉ du fils fidรจle, elle arrive ร รฉtrangler ce monstre et ร ne plus rien avoir ร craindre de lui. Ni des tyrans internes, ร savoir la chair et ses passions ; ni des tyrans externes, ร savoir le monde et les puissants de ce monde. Ni des persรฉcutions, ni de la mort.
Il en est comme le dit lโapรดtre Paul :
โMais je nโattache aucun prix ร ma propre vie, pourvu que je mรจne ร bonne fin ma course et le ministรจre que jโai reรงu du Seigneur Jรฉsus : rendre tรฉmoignage ร lโรvangile de la grรขce de Dieuโ.
Mes martyrs ont tenu ร accomplir leur mission et le ministรจre, quโils avaient reรงu de moi, de sanctifier le monde et de rendre tรฉmoignage ร lโรvangile. Ils ne se sont prรฉoccupรฉs de rien dโautre.
Eux, ils รฉtaient redevenus des โhommes et des femmesโ et non plus des bรชtes, par la grรขce qui vivait en eux et quโils ont dรฉfendue plus soigneusement que la pupille de leurs yeux et que la vie quโils rejetaient avec une joyeuse promptitude, bien conscients quโils rejetaient une dรฉpouille corruptible pour en acquรฉrir une incorruptible dโune valeur infinie. Cโest donc en hommes et en femmes, en enfants du Pรจre des cieux, quโils vivaient et agissaient.
Comme le dit Paul, โargent, or, vรชtements, [ils nโen ont] convoitรฉ de personneโ ; bien au contraire, ils se sont fait dรฉpouiller et se sont volontairement dรฉpouillรฉs de toute richesse, jusque de leur vie, ยซ pour me suivreยป sur la terre et au ciel.โ
[Leurs ] mains, ajoute lโApรดtre, ont pourvu ร [leurs] besoins et ร ceux de [leurs] compagnonsโ, leur ont donnรฉ la vie ร eux-mรชmes et ont amenรฉ les autres ร la Vie.
โCโest en peinant de la sorte [quโils sont venus] en aide aux maladesโ qui souffraient de cette terrible maladie qui consiste ร vivre en dehors de la vraie foi ; ils se sont prodiguรฉs dans ce but, donnant leurs affections, leur sang, leur vie, leurs fatigues, tout. Ils gardaient en mรฉmoire mes paroles, que je tโai dites il y a trois jours :
โDonner, cโest recevoirโ, โmieux vaut donner que recevoirโ. ยป
La force des martyrs
Recueil conรงu, rรฉalisรฉ et mis en perspective par Franรงois-Michel Debroise et Benoรฎt de Fleurac. Prรฉface de Vรฉronique Lรฉvy โQuinze contemplations, retranscrites parmi toute lโลuvre de Maria Valtorta sont rassemblรฉes au cลur de ce recueil, la force des martyrs. Le Seigneur lui rรฉvรฉla que toutes ces vies semรฉes รฉtaient oblations dโamour unies intimement ร la Sienne ; que leur sang dispersรฉ allumait tel un feu sur la terre, lโรฉvangile de la Foi. Les saints innocents, Etienne, Phรฉnicule, Pรฉtronille, Irรจne, Flore, Justine, Valentin et tant dโautres noms, oubliรฉs parfois, sโy entrelacent en un chapelet de lys tressรฉs au Corps et au Sang du Christ : hosties immolรฉes dans lโHostie. Maria Valtorta les voit, les entend : aimer, vivre, souffrir et mourirโฆ Le sang des martyrs fรฉconda lโEglise naissante et balbutianteโฆ lโEglise militante, souffrante et triomphanteโฆโ (de la prรฉface de Vรฉronique Lรฉvy)