Maria Valtorta | Tome 1 – Chapitre 18 : « Dieu te donnera ton époux et il sera saint puisque tu t’es confiée à Dieu. Tu lui diras ton vœu. »

Quelle nuit d’enfer ! Il semblait vraiment que les démons prenaient une récréation sur la terre. Coups de canon, tonnerres, éclairs, danger, peur, souffrance d’être sur un lit qui n’était pas le mien et, au milieu de tout cela comme une douce et blanche fleur, au milieu des feux et des tribulations, la douce présence de Marie, un peu plus âgée que dans la vision d’hier, avec ses tresses blondes sur les épaules, son habit blanc et son sourire doux et recueilli. Un sourire intérieur, tourné vers le mystère glorieux qu’Elle a recueilli en son cœur. J’ai passé la nuit à comparer cette vision de suavité avec la férocité qui se déploie dans le monde et en repensant à ses paroles d’hier matin, chant vivant de la charité, en face de la haine qui déchire…

Ce matin voici que, retournée au silence de ma chambre, j’assiste à cette scène : Marie est toujours au Temple. En ce moment elle sort avec les autres vierges du Temple proprement dit. Il doit y avoir une cérémonie, parce que l’odeur de l’encens se répand dans l’atmosphère toute rouge d’un beau crépuscule. On dirait que l’automne est avancé parce que c’est un ciel doucement mélancolique comme en un mois d’octobre serein qui s’incline sur les jardins de Jérusalem et où le jaune ocre des feuilles qui vont bientôt tomber met des tâches jaune-rouge clair dans le vert argenté des oliviers. La troupe, l’essaim pourrait-on dire des vierges, traverse une petite cour en arrière, monte les gradins, passe un petit portique, entre dans une autre cour moins splendide, carrée, et qui n’a d’autre ouverture que celle par où elles viennent d’entrer. Ce doit être celle qui est destinée à conduire aux petites demeures des vierges employées au Temple, parce que chaque jeune fille se dirige vers sa cellule, comme une colombe vers son nid. On dirait bien un vol de colombes qui se séparent après s’être rassemblées. Beaucoup, je pourrais dire toutes, parlent entre elles avant de se quitter, à voix basses mais joyeuses. Marie se tait. Seulement, avant de se séparer des autres, elle les salue affectueusement et puis se dirige vers sa petite pièce dans un coin à droite.

Elle y est rejointe par une maîtresse qui n’est pas vieille comme Anne de Phanuel, mais déjà âgée.

« Marie, le Grand Prêtre t’attend. »

Marie la regarde, légèrement étonnée mais ne pose pas de questions. Elle répond seulement :

« J’y vais, tout de suite. »

Je ne sais si la grande salle où elle entre appartient à la maison du Prêtre ou fait partie des appartements des femmes employées au Temple. Je sais qu’elle est vaste, bien éclairée, bien rangée et que Zacharie et Anne de Phanuel s’y trouvent avec le Grand Prêtre magnifiquement vêtu. Marie, arrivée au seuil, s’incline profondément et n’avance que lorsque le Grand Prêtre lui dit :

« Avance, Marie. N’aie pas peur. »

Marie se redresse et avance lentement, non par manque d’empressement mais d’instinct, par un je ne sais quoi de solennel qui la fait paraître plus femme. Anne lui sourit pour l’encourager et Zacharie la salue :

« La paix à toi, cousine. »

Le Pontife l’observe attentivement et, puis, à Zacharie :

« Elle est visible en elle la race de David et d’Aaron. Fille, je connais ta grâce et ta bonté. Je sais que chaque jour tu as grandi en science et en grâce aux yeux de Dieu et des hommes. Je sais que la voix de Dieu murmure à ton cœur les plus douces paroles. Je sais que tu es la Fleur du Temple de Dieu et qu’un troisième Chérubin se trouve devant le Témoignage depuis que tu y es. Et je voudrais que le parfum de ta vie continuât de monter avec l’encens à chaque nouvelle journée. Mais la Loi dit d’autres paroles. Tu n’es plus une fillette désormais, mais une femme. Et chaque femme en Israël doit être épouse pour porter son fils au Seigneur. Tu suivras le commandement de la Loi. Ne crains pas, ne rougis pas. J’ai présente à l’esprit ta descendance royale. Déjà te protège la Loi qui ordonne qu’à chaque homme soit donné une femme de sa race. Mais, même si cette prescription n’existait pas, je le ferais pour ne pas porter atteinte à la noblesse de ton sang. Ne connais-tu aucun homme de ta race, Marie, qui puisse être ton époux ? »

Marie lève un visage tout rouge de pudeur. Sur ses cils brille un premier diamant et d’une voix tremblante, elle répond :

« Personne. »

 

« Elle ne peut connaître personne car elle est entrée ici toute enfant »

dit Zacharie

« et la race de David a été trop persécutée et dispersée pour permettre à ses différentes branches de se réunir pour faire une frondaison au palmier royal. »

 

« Alors, nous laisserons le choix à Dieu. »

Les larmes, jusque là retenues, jaillissent et coulent jusqu’à la bouche tremblante, et Marie jette vers sa maîtresse un regard suppliant.

« Marie s’est promise au Seigneur, pour sa gloire et le salut d’Israël. Ce n’était qu’une petite, à peine capable d’épeler, et déjà elle s’était liée par un vœu… »

dit Anne pour lui venir en aide.

« Tes larmes, c’est alors pour cela ? Pas pour résister à la Loi ? »

 

« Pour cela… pour rien d’autre. Je t’obéis, Prêtre de Dieu. »

 

« Ceci confirme tout ce qui m’a été dit de toi. Depuis combien d’années es-tu vouée à la virginité ? »

 

« Depuis toujours, je crois. Je n’étais pas encore venue au Temple et déjà, je m’étais donnée au Seigneur. »

 

« Mais n’es-tu pas la petite qui, il y a maintenant douze hivers, est venue me demander d’entrer ? »

 

« C’est moi. »

 

 « Et comment peux-tu dire, alors, qu’à ce moment déjà tu appartenais à Dieu ? »

 

« Si je regarde en arrière, je me retrouve vouée à Dieu… Je ne me souviens pas de l’instant où je suis née, ni comment je commençai à aimer ma mère et à dire à mon père:

 

« Ô père je suis ta fille »…

 

Mais je me souviens, et je ne sais quand cela a commencé, d’avoir donné mon cœur à Dieu. Peut-être ce fut avec le premier baiser que je sus donner, la première parole que je sus prononcer, le premier pas que je sus faire… Oui, voilà : je crois que mon premier souvenir d’amour, je le trouve dans ma première démarche assurée… Ma maison… ma maison avait un jardin rempli de fleurs… elle avait un verger et des champs… et il y avait là une source au fond, au pied d’un monticule et elle jaillissait d’un rocher creusé qui formait une grotte… elle était pleine d’herbes longues et minces qui descendaient de tous côtés en vertes petites cascades et semblaient pleurer. En effet les petites feuilles légères, le feuillage qui semblait être une broderie, tout portait en suspension des gouttelettes d’eau qui en tombant faisaient entendre un petit, tout petit carillon. Et la source aussi chantait. Et il y avait des oiseaux sur les oliviers et les pommiers qui se trouvaient là, sur la pente, au-dessus de la source et des colombes blanches venaient se laver dans le miroir limpide de la fontaine… Je ne me rappelais pas de tout cela parce que j’avais mis tout mon cœur en Dieu et, hormis mon père et ma mère, aimés de leur vivant ou après leur mort, mon cœur ne s’est attaché à aucun objet terrestre… Mais tu me fais penser, Prêtre… Je dois chercher quand je me suis donnée à Dieu… et ce sont les souvenirs des premières années qui me reviennent… J’aimais cette grotte, parce que, plus douce que le chant de l’eau et des oiseaux, j’entendais une voix qui me disait :

 

« Viens mon Aimée ».

 

J’aimais ces gouttes de diamants sonores parce que j’y voyais le signe de mon Seigneur. Et je me perdais à me dire :

 

 « Vois-tu mon âme, comme il est grand, ton Dieu ? Celui qui a fait pour l’aquilon les cèdres du Liban a fait ces folioles qui ploient sous le poids d’un moucheron pour la joie de tes yeux et un tapis pour ton petit pied ».

 

J’aimais ce silence des choses pures : la brise légère, l’eau avec ses reflets argentins, la propreté des colombes… J’aimais la paix qui veillait sur la petite grotte semblant retomber des pommiers et des oliviers, tantôt en fleurs et tantôt chargés de fruits précieux… Et, je ne sais, il me semblait que la voix me disait à moi, oui, c’était bien à moi :

 

« Viens, toi, olive magnifique ; viens toi, douce pomme ; viens toi, fontaine scellée ; viens toi, ma colombe »…

 

Doux est l’amour du père et de la mère… douce était leur voix qui m’appelait… mais cette voix ! cette voix ! Oh ! au Paradis terrestre, je pense que c’est ainsi que l’entendit celle qui fut coupable et je ne sais comment elle put préférer un sifflement à cette voix d’amour, comment il put désirer une connaissance qui ne fut pas Dieu… Avec mes lèvres qui ne connaissaient encore que le lait maternel, mais avec mon cœur enivré par le miel céleste, j’ai dit alors :

 

« Me voici, je viens. Je suis à Toi. Et nul autre maître n’aura ma chair, hormis Toi, Seigneur, comme mon esprit n’a pas d’autre amour »…

 

 Et, en le disant, il me semblait redire des choses déjà dites et accomplir un rite déjà accompli. Il ne me semblait pas étranger l’Époux que j’avais choisi car je connaissais déjà l’ardeur de son amour, ma vue s’était exercée en sa lumière et ma puissance d’aimer s’était développée entre ses bras.

 

 Quand ? … Je ne sais. Hors de la vie présente, dirais-je, car j’avais le sentiment de l’avoir toujours possédé et que Lui m’a toujours possédée et que j’existe parce que Lui-même m’a voulue, pour la joie de son Esprit et du mien… Maintenant j’obéis, Prêtre. Mais dis-moi comment je dois agir… Je n’ai plus ni père, ni mère. Toi, sois mon guide. »

 

« Dieu te donnera l’époux, un époux saint puisque tu t’es confiée à Lui. Tu lui diras ton vœu. »

 

« Acceptera-t- il ? »

 

« Je l’espère. Prie, ô fille, qu’il puisse comprendre ton cœur. Va maintenant, que Dieu t’accompagne toujours. »

Marie se retire avec Anne, et Zacharie reste avec le Pontife. C’est ainsi que la vision prend fin.



Ces enregistrements audio sont des lectures de la traduction de Felix Sauvage, qui a été éditée de 1979 à 2016.

Felix Sauvage, enseignant retraité à Pont-Audemer, a traduit « Il poema dell’Uomo-Dio » d’italien en français de 1971 à 1976, et a trouvé le titre – qui a depuis été repris pour toutes les autres traductions de l’Oeuvre de Maria Valtorta – « L’Evangile tel qu’il m’a été révélé ». Le 27 décembre 1976, les éditeurs de Maria Valtorta – Claudia et Emilio Pisani – vinrent à l’hospice « Albatros » de Pont-Audemer, où Felix Sauvage leur remit les manuscrits de son travail bénévole. Il meurt le 16 septembre 1978 à l’âge de 87 ans, avant le début de la parution de sa traduction en décembre 1979.

Depuis mars 2017, c’est désormais la nouvelle traduction d’Yves d’Horrer qui est éditée, et qui remplace celle de Felix Sauvage.

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